Elle est ma passion


Elle est ma passion

Il a fallu que j’atteigne mon age pour vivre une telle passion.

Jamais je n’aimerai autant.

J’aurai des aventures, des rencontres, mais aucune femme, aucune me donnera tant de joie.

Elle est ma lumière, elle m’a accompagné dans mon handicap comme personne ne l’aurai fait.

Cette femme est une humaniste.

Douce, elle m’emmena x fois chez le médecin, m’obtint un RV à la Fondation Rothschild, espérant que la médecine me ferait retrouver la vue.

Elle décela 2 grains de beauté suspects que l’on m’enleva car c’étaient des cancers.

Elle m’aimait comme aucune femme ne m’avait aimé.

Brillante, drôle toujours de bonne humeur, elle m’a sorti de ma noirceur.

Invitee dans tout Paris, elle m’emmenait, jamais elle n’eu honte de moi.

Ma vie était sinistre je suis grace a elle devenu comme les autres, allant partout, voyageant,

Elle aimait mon chien, s’en occupait, lui etait amoureux d’elle.

Jamais je n’aimerai autant. Ce texte est pour elle

Elle m’aidait à publier mon livre Valentin et me trouva un éditeur à compte d’éditeur, qui finançait intégralement l’édition de mon livre.

Le chant du monde – 08

            Ce qu’il y a en l’Homme, c’est tout l’Homme, ce qu’il y a en la Terre, c’est toute la Terre; les deux se côtoient, échangent et se parlent, les deux cohabitent tel un couple plus ou moins bien assorti et puis c’est la rupture, le divorce, les invectives pleuvent, les silences se font de plus en plus pesants, la tension est à son comble, il faut se séparer; sur la cheminée, une photo montre les deux souriants, c’était une année à peine après le mariage, tous les amis pensaient: « Comme ils sont beaux, comme ils vont bien ensemble! ». Et maintenant, tout a changé, tout le passif remonte, tout l’actif et la joie ont disparu, ce ne sont plus les mêmes, l’accord millénaire entre hommes, femmes et Terre est rompu; certains disent: « Homme, tu as trop tiré sur la corde, c’est normal qu’elle se révolte, la Terre! », d’autres pensent que c’était inévitable, le divorce, qu’il était déjà inscrit dès le début, qu’à force de vouloir bien vivre et se protéger, l’Homme en demanderait trop, c’est son intelligence même qui l’a perdu. Ce sont les défaitistes. Les optimistes soutiennent que le couple va tenir malgré les crises, nous avons tous connu cela leur disent-ils, les assiettes qui volent, les portes qui claquent, et puis ça revient, une belle soirée au restaurant, une longue discussion, « Vous êtes faits l’un pour l’autre, c’est évident! ».  Parfois, l’Homme se met à espérer, je vais aller à contre-courant, déployer des miracles de tendresse, de panneaux solaires, d’éoliennes et de chemins de fer électriques, il n’y aura bientôt plus de fumée ni de gaz toxique, tu verras, ma belle Terre, tout ira bien, tout ira comme avant, comme du temps de nos grand-pères et grand-mères ; certains imaginent même partir un temps en vacance sur la lune ou sur Mars, histoire de se changer les idées, ils verront au moins ce que cela fait d’être avec une autre! La Terre, notre Terre est si douce, si accueillante, comment ne le voit-il pas?

            Sur mon banc, au parc, j’écoute souvent les histoires personnelles de chacun; on me connaît et peut-être, à cause du fait que je ne vois plus, les gens se confient plus facilement, ils pensent qu’au stade où j’en suis, je n’ai plus rien à attendre de la vie et que celle des autres pourrait me distraire, j’ai même peut-être acquis une certaine sagesse, enfin tous ne le pensent pas. Hier, deux amies se confiaient, l’une déjà divorcée deux fois, l’autre jamais mariée mais terriblement amoureuse d’un artiste reparti chez une autre, une amie d’enfance je crois, toutes deux dans l’expectative, que faire, qui croire, comment s’en sortir? Entre la Terre et l’Homme, c’est un peu le même jeu, les périodes de grande alliance qui suivent celles de grande exploitation, de dédain; pas tous, certes, les hommes et les femmes de la terre qui labouraient, eux, ne changeaient pas, pas encore, les autres enfumaient les villes quand eux continuaient leur labeur. Le tournant s’est effectué il y a deux siècles environ, deux ans, deux mois au vu de la longueur de notre histoire commune, on en voulait plus, toujours plus, du confort matériel, du produit, on s’est fait mal pour cela, on  s’est contraint dans l’attente de jours meilleurs, on a gagné sur des terrains inconnus, on s’est maquillé de substances chimiques, on a toussé, on s’est réunis dans des conditions sordides, tout ça pour cela, on s’est révolté, on s’est battu, notre Terre a tout supporté sans broncher, les obus, les incendies jusqu’à la terrible bombe atomique, tout ce qu’elle a supporté, c’est incroyable, une telle Mère, une telle épouse, beaucoup seraient déjà parties, elle non, elle a tout enduré. Pourtant, sa colère montait en elle, peu l’ont compris, sa colère l’échauffait, tout s’échauffait dans son corps meurtri, elle n’en pouvait bientôt plus, elle allait s’effondrer sur elle-même, elle irait se mettre au lit et puis on devrait se débrouiller, elle ne donnerait plus rien d’elle, que des vents terribles et des catastrophes, des tsunamis et des chaleurs horribles, insupportables, ce serait sa revanche, nous n’avons rien voulu entendre, maintenant elle agissait.

            Une révolte de Terre; cela ne se calme pas comme ça, c’est  un peu comme une révolte d’italienne ou de mexicaine qui se sent trompée, sa colère ne faiblit pas, elle veut des comptes, des excuses, elle ne sait pas elle-même ce qui pourrait faire revenir la paix ou la concorde, elle ne veut plus entendre parler de rien ni de personne, elle boude, elle est triste, elle en veut à tous ces Hommes qui l’ont bafouée, maltraitée, qui ont tant profité d’elle sans remords, qui ont souillé son corps quand, elle, elle ne faisait que donner son amour, sa générosité; elle le dit elle-même, la Terre: « Je lui ai tout donné, mon esprit, ma chair, ma jeunesse, mon amour, il a tout dévasté et me laisse inerte et sans voix, exploitée jusqu’à la corde, défigurée, exsangue, je ne me reconnais plus, je ne suis plus la même! »; Elle a raison, la Terre, nous nous sommes mal conduits, très mal conduits, nous avions tout pour réussir notre subsistance et nous l’avons gâché, nous étions si avides, intensément avides de tout, de tout lui prendre, à elle, la bonne Terre, il fallait s’y attendre, comme nous étions déraisonnables! C’est drôle et, en même temps, ce n’est pas drôle du tout; dans ce long film qui retrace notre histoire d’amour, le machiniste semble crier en l’air: « Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait, quelle scène tourne-t-on? ». Le réalisateur se penche vers la script: « On en est où? ». La script va vers le scénariste: « Vous avez la suite? ». Se prenant pour un nouveau Godard inspiré, il répond avec un certain aplomb  : « Je l’écris tout de suite, pas de problème! » Et il sort son petit carnet de conférence internationale sur le climat; dans les coulisses, on s’inquiète: « Les artistes, c’est toujours comme ça, on ne sait jamais à ‘avance! ». Sommes-nous des artistes, serions-nous des artistes? Peut-être faudrait-il les laisser en effet nous diriger, ils inventeraient une suite à ce qui ressemble à une impasse de scénario; certes, les maximalistes du profit vous écrirons une belle fin où tout le monde se raccommode, un long baiser sur une plage de Californie dans le soleil couchant, une musique qui lance son refrain jusqu’au générique et nos larmes qui coulent encore alors que les lumières se rallument: « Quel beau film, et elle, elle est tellement superbe, comme elle joue bien! »; Les angoissés iront plutôt vers un plan de fin sordide, une longue route qui part dans la campagne, lui seul au volant et elle, la Terre, restée sur le seuil de sa maison dévastée, le mot fin s’inscrivant sur le coin à droite de l’écran, le silence, rien d’autre que le silence. Le véritable artiste laissera subsister le doute ou l’espoir, histoire de ne pas laisser le spectateur sans réponse mais pour lui donner le loisir de recréer sa propre fin; ma soeur, lorsque nous étions petits et que nous regardions ensemble la télévision, avait horreur de ces fins douteuses, elle voulait savoir, sans doute avec raison puisque nous construisions ensemble notre conscient pour l’avenir: «  Emmanuel, alors, il va revenir, hein? C’est sûr qu’il va revenir, il ne peut pas la laisser seule comme cela! »; souvent, pour l’embêter et me moquer de sa peur naissante, j’esquivais, je tournais autour du pot: « On ne sait pas, peut-être, ce n’est pas certain; » ce qui l’a mettait derechef en boule: « Tu es bête, dis-moi, tu le sais très bien, il va revenir, ils vont être ensemble, il faut qu’ils soient ensemble! ». Pour terminer son supplice, j’avançais un « Sûrement, il n’y a pas de raison pour qu’il ne revienne pas », et ma soeur repartait rassurée; moi, le garçon au coeur trop tendre, j’essuyais enfin mes larmes, ce que je n’avais osé faire en sa présence, elle qui ne pleurait jamais, sachant bien que, même s’il revenait, rien ne serait tout à fait pareil, que le lien qui les avait réunis, la Terre et l’Homme, était bien rompu, que même s’il s’excusait, réparait la maison, reprenait ses tâches comme avant, non, rien ne serait aussi doux que ces soirées de la première fois, ces longues soirées à discuter ensemble de l’avenir, des enfants à naître, des prochaines visites et découvertes, rien ne serait si fort que ces premiers baisers, ce premier acte d’amour entre eux, il y a des millions d’années, il y a un mois, quelques jours à peine.